Jean-Marie Frangi se souvient de l’arrivée des libérateurs américains

Jean-Marie Frangi se souvient de l’arrivée des libérateurs américains

Article paru dans le R.L. du 1er Mars 2022

mardi 1er mars 2022

À 87 ans, il veut transmettre son témoignage, parler de ce qu’il a vécu lorsque tout jeune, le 24 novembre 1944, il a vu les libérateurs américains passer sous les fenêtres de son logement, rue Franiatte, à Montigny-lès-Metz. Il avait alors 9 ans.

Je suis un enfant de la guerre, fils d’immigré italien, mais d’une mère lorraine. Je suis né en 1935. Ma jeunesse a été chahutée, comme beaucoup, entre l’école française et l’école allemande, et un peu l’école italienne. On passait plus de temps dans les caves des maisons que sur les bancs de l’école à cause des bombardements. C’est maman qui nous faisait les cours. Grâce à ça, j’ai pu faire un apprentissage comme maçon.

On habitait à l’époque rue Franiatte, côté Marly. Nous étions six enfants. Il n’y avait pas d’aides comme maintenant. Mon père maçon et fossoyeur a dû travailler de force pour les Allemands, faire des tranchées antichars. La route reliait le terrain d’aviation à toutes les casernes. J’ai vu de pauvres prisonniers russes qui travaillaient sur la base aérienne. Ils passaient devant nous. Nous leur donnions du pain mais les gardiens ne voulaient pas.

Marqué à vie

Juste avant la Libération, dans le secteur, jour et nuit, nous étions bombardés par les Américains et les Canadiens. Ils visaient le terrain d’aviation, la gare de triage du Sablon et les casernes où il y avait beaucoup de soldats allemands. À la suite d’un bombardement, j’ai été blessé, j’ai perdu la vision d’un œil. Depuis, je marche avec une canne.

Certains Allemands n’étaient pas gentils avec nous qui parlions français. Mon père et d’autres camarades ont été agressés dans le tramway de la rue Franiatte par un civil de la Gestapo qui habitait notre secteur. C’était un Lorrain, je ne l’ai plus revu après la guerre.

Mon père a été réquisitionné pour travailler dans les caves. Il perçait les murs pour qu’elles communiquent toutes entre elles de façon à s’échapper en cas de bombardement. Il faisait ce qu’on appelle des trous d’hommes.

Nous avons vu passer de nombreux prisonniers après la libération. De gros tanks américains passaient devant chez nous et les soldats nous lançaient des chewing-gums et du chocolat. Ils étaient gentils avec nous.

Après la guerre, toutes les entreprises avaient du travail. Il fallait reconstruire le pays. Je suis donc devenu maçon comme mon père. »

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